Comment PayFit est devenue une entreprise “Work from anywhere” ?
14 mars 2020. Avec les trois fondateurs de PayFit et l’ensemble de l’équipe dirigeante, nous prenons une décision que nous ne pensions pas devoir mettre un jour en place dans notre carrière : fermer les bureaux par sécurité et, de ce fait, imposer à nos 500 salariés en Europe un télétravail obligatoire.
24 mai 2020. Firmin, Ghislain et Florian viennent me voir pour discuter de la flexibilité du travail chez PayFit. Nous avons besoin de prendre du recul par rapport à la période que nous venons de vivre, de faire le point sur ce que nous avons appris et de discuter des leçons que nous voulons en tirer pour le futur. Dans quels domaines avons-nous réussi ? Quels sont ceux où nous avons échoué ? Malgré la situation, cette expérience du confinement et du télétravail imposé a entraîné des effets positifs dans le cadre professionnel. Nous avons souhaité en faire une opportunité pour PayFit.
Rapidement, nous avons aussi eu envie de partager notre réflexion : notre processus de décision, les raisons de notre choix et les contours de ce nouveau modèle de travail. Pendant cette période inédite où nous naviguions tous entre incertitude et anxiété, nous nous sommes beaucoup parlés, soutenus et inspirés entre professionnels des RH. Firmin a raconté dans un article pourquoi nous avions pris cette décision. Aujourd’hui, j’aimerais vous raconter comment le “Work from anywhere” a été mis en place au sein de PayFit.
Avant la crise
Depuis le début de l’aventure, les trois fondateurs de PayFit ont une priorité absolue : s’assurer que nos employés soient épanouis. Lorsque j'ai rejoint PayFit en septembre 2019 en tant que VP People, nous avons beaucoup réfléchi à la mission de PayFit.
"Make work a source of fulfillment". Voici la mission pour laquelle nous souhaitons oeuvrer chaque jour. Ce "fulfillment", cet épanouissement personnel et professionnel, est l’un des sujets que les fondateurs, mon équipe RH et moi-même cherchons à améliorer en permanence pour tous les salariés de PayFit.
A mon arrivée, le sujet de la flexibilité n'avait pas encore fait l'objet d'une réflexion poussée. C'est pourquoi début 2020, nous avons décidé d'en faire l’une des priorités de notre "feuille de route RH". Nous voulions harmoniser notre positionnement sur le télétravail - qui n'était pas pratiqué de la même manière par toutes les équipes - mais aussi sur le temps partiel, ou encore sur les horaires de travail.
Notre degré de flexibilité était classique pour une startup ou une scale-up : chacun bénéficiait d’un jour de télétravail par semaine, ou encore d’une semaine de télétravail dans l’un de nos quatre autres bureaux (Paris, Barcelone, Berlin ou Londres) tous les six mois. Nous concentrions nos efforts sur l’organisation de moments de vivre ensemble, à travers un séminaire réunissant l’ensemble de l’entreprise, des soirées de Noël et d’été dans chaque pays.
Qu’avons-nous appris du Covid ?
Le 14 mars dernier, nous avons pris la décision de fermer nos quatre bureaux. L'entreprise est passée en 100% de télétravail pour préserver la santé de nos collaborateurs.
Assez naturellement, les équipes ont maintenu le lien, grâce aux managers et aux RH qui les ont accompagnés. Tout au long du confinement, une “pulse survey” était envoyée chaque semaine à tous les salariés, où nous leur demandions d’évaluer "la relation de proximité", c’est-à-dire le soutien apporté par leur manager. Nous avons été soulagés de voir que cet item était très bien noté durant toute cette période.
En arrivant chez PayFit, j’avais découvert une culture encourageant l’autonomie et la responsabilité des salariés comme des managers. Au sein de cette celle-ci, les RH avaient (et ont toujours) pour mission d’allier bien-être et performance, pour assurer l’épanouissement des collaborateurs. La crise a confirmé l'importance des ces enjeux pour nous tous.
De son côté, le top management s’est rendu compte que les collaborateurs étaient aussi efficaces et performants en télétravail.
C'était un point crucial car nous n'avions aucune certitude avant ce test que nous a fait passer le Covid-19.
A la sortie du confinement, les fondateurs se sont alors posés la question du futur du travail chez PayFit. Et ils ont partagé ce questionnement avec toute l’équipe dirigeante et les RH : après avoir vécu cette crise, quelle expérience au travail souhaitons-nous proposer à nos collaborateurs ?
L’enjeu n'était plus la productivité. Les managers et les équipes ont démontré une forte capacité à s’autogérer, même s’il nous reste de nombreux défis. L'enjeu principal était maintenant de savoir comment organiser un vivre ensemble sur du long terme, en intégrant davantage de flexibilité sur le lieu de travail.
Co-construire la nouvelle organisation avec le top management : des débats et de multiples questions
Personnellement, j’ai tout de suite été passionnée par le projet. Il est rare qu’une entreprise remette en question son organisation de travail, il est donc fascinant d’y contribuer. J’ai toujours pensé que davantage de flexibilité au travail a des impacts positifs sur la motivation et le performance des salariés. Responsabiliser les managers et les salariés, c ’est les engager davantage dans la croissance, dans la vie de l’entreprise et sa culture. C’est aussi les rendre plus heureux et épanouis dans leur cadre de travail.
Très vite, toute l’équipe du top management a participé à la réflexion sur le futur du travail. La première étape, déterminante pour l’ensemble du projet, consistait à expliquer ce que nous entendions par “flexibilité”.
Comment dessiner la flexibilité de demain ?
Sur quelles dimensions souhaitons-nous être plus flexible ?
Et pour creuser davantage, quel est notre cadre et notre modèle opérationnel ?
Pour nous, la flexibilité ne se résumait pas au lieu de travail. Elle englobait aussi notre positionnement sur les horaires, sur l’autodétermination de chaque collaborateur, sur leurs moments de vie, etc.
En voulant mieux définir la “flexibilité”, nous avons réalisé qu’une des questions essentielles était celle de la confiance entre l’employeur et ses salariés, de l’empowerment de chaque employé (la capacité de chacun à se responsabiliser). Voulons-nous mettre des règles ? Ou laissons-nous plus de liberté avec des recommandations en misant sur l’autodétermination et la responsabilité individuelle ?
En posant la question sous cet angle, notre instinct nous disait qu’il fallait aller jusqu’au bout de notre démarche et ne pas mettre de règles (autres que les règles légales qui existent dans chaque pays).
Nous restions convaincus que l’autodétermination des collaborateurs serait source d’épanouissement pour chacun.
Au départ, avec l'équipe dirigeante, nous voulions élaborer les grands principes philosophiques. Nous étions tous alignés sur la culture et les valeurs de PayFit, qui ont été définies il y a déjà quelques années. Cela nous a permis de définir un premier cadre. Pour aller plus loin, nous avons utilisé une méthodologie en entonnoir. Etape par étape, nous avons posé des questions précises pour provoquer le débat et clarifier notre position.
En parallèle, avec Maude et Angélique (Responsables RH au niveau international), nous avions une page blanche à écrire, ce qui n’était pas évident ! Nous avons néanmoins fait une première proposition, qui nous a servi de base de travail. Puis, nous avons écrit les questions opérationnelles sur chaque thème et sur chaque dimension (productivité, management, onboarding, etc), et construit les histoires et les exemples illustrant notre positionnement pour faciliter la compréhension de nos salariés. Il faut bien avoir en tête que nous avions une échéance : mi-juillet. Nous voulions communiquer notre projet aux salariés avant l’été pour qu’ils s’organisent et qu’ils comprennent tous les changements. Beaucoup voulaient en savoir plus rapidement.
Nous avons continué de dessiner le projet en confrontant les grands principes de notre philosophie à différents exemples, en avançant avec des situations concrètes, en nous mettant dans la peau d’un profil manager ou d’un profil managé. C’était l’un des moments les plus intéressants, car nous devions couvrir toutes les situations possibles. D’ailleurs, pour être sûrs d’avoir tous les métiers au sein de PayFit, nous avons soumis ces profils à l’équipe du top management. Cela nous a permis de faire émerger de nouvelles persona.
Si le cadre était encore à définir et à peaufiner, les fondateurs avaient une certitude : ils voulaient conserver des locaux. Les 4 bureaux européens de PayFit avaient toujours été un lieu d’accueil privilégié pour les PayFiters, entre travail et création de lien social. Ils devaient le rester.
Engager nos collaborateurs dans le projet : quelques craintes et beaucoup d’enthousiasme
En parallèle de ce processus, il était essentiel pour nous d’inclure les salariés dans notre réflexion. Nous avons mené un sondage auprès des collaborateurs pour avoir leur ressenti sur la flexibilité, s’ils en avaient davantage besoin, s’ils se sentaient plus productifs dans des conditions flexibles de travail, s’ils voulaient conserver des bureaux, etc.
Les résultats de cette étude confirmaient la direction que nous prenions :
91% d’entre eux se sentiraient plus épanouis dans un cadre de travail plus flexible
79% se considèrent plus productifs dans un cadre de travail plus flexible
78% s’imaginent bien travailler en dehors de leur lieu de travail
59% préfèreraient être dans une organisation “remote first” (le télétravail est la norme et le bureau est un lieu de travail comme un autre)
Ensuite, pour avoir des retours plus opérationnels et concrets, avec les autres membres RH, nous avons conduit des workshops avec les managers, puis avec les équipes.
Au départ, nous avions demandé à chaque département d’organiser un atelier avec six personnes. A notre grande surprise, ce sont finalement 38 ateliers qui se sont tenus dans nos quatre pays.
Les salariés étaient très enthousiastes de partager leurs points de vue, leurs attentes, leurs craintes aussi. Toutes ces retours étaient (et restent) extrêmement précieux pour nous !
Nous avons ainsi pu cadrer davantage le projet, soulever des points d’attention dans la mise en place, comprendre les questionnements que pourraient avoir les salariés, leurs priorités et leurs besoins, etc.
Nous avions déjà procédé ainsi lorsque nous avions voulu définir et mettre des mots sur nos valeurs et notre culture d’entreprise. Près de 150 collaborateurs avaient participé à cette mission. Je trouve incroyable que, encore une fois, 200 PayFiters aient participé à la définition de notre la politique “Work from anywhere” et qu’ils nous aient aidés à préparer sa mise en place au sein de PayFit. C’est à cet instant qu’avec l’équipe RH, nous avons pris la mesure de l’ampleur du projet que nous menions.
Lancer la mise en place au sein de PayFit : entre interrogation et excitation
Le 17 juillet, une réunion avec l’ensemble de l’entreprise était organisée pour lancer cette nouvelle politique au sein de PayFit. La veille, Firmin, notre CEO, avait organisé une réunion avec tous les managers pour présenter, en avant-première, le projet.
Ce jour-là, il a annoncé que notre cadre de travail devenait flexible :
Les salariés peuvent désormais travailler d’où ils veulent, la présence au bureau n’est plus obligatoire. L’entreprise conserve ses locaux, qui resteront un lieu d’accueil pour ceux qui souhaitent venir travailler dans un bureau, mais aussi un lieu où le lien social se crée.
Les horaires deviennent flexibles. Les collaborateurs peuvent aussi choisir leurs heures de travail (dans la limite de la loi), et organiser leurs journées pour travailler lorsqu’ils se sentent le plus productif. Les retours ont tout de suite été très positifs, tout le monde a été très enthousiaste à l’idée que l’entreprise ose un tel changement !
Afin d’anticiper les questions qu’allait soulever l’annonce, nous avons préparé un “Playbook” pour les salariés. Ce guide permet d’expliquer la philosophie générale avec les grands principes de notre politique RH.
Pour couvrir les interrogations que pourraient avoir les salariés, Firmin a eu l’idée de créer une section de questions-réponses, comportant des exemples et des mises en situation. Le guide final fait 50 pages, réunit nos 4 principes-clés (“Golden rules”) et une cinquantaine de questions. Il était important pour nous que les salariés prennent le temps de lire ce guide pendant l’été, qu’ils se projettent dans une autre ville, dans les bureaux ou dans un rythme hybride pour en discuter à la rentrée.
Pour compléter toutes ces informations, chaque country manager a pris la parole devant ses équipes et dans sa langue pour expliquer plus précisément les impacts de cette nouvelle organisation. Evidemment, c’est un travail en continu pour la finance, les managers, le leadership et pour nous, les ressources humaines.
Début octobre, nous avons repris la parole lors d’un e-coffee pour clarifier certains points et certaines recommandations. Nous avons ouvert une page Slido (outil de questions-réponses) pour permettre aux salariés de poser toutes leurs questions.
Au-delà des interrogations des salariés, l’implémentation du “Work from anywhere” soulève de nombreux challenges, dont nous (l’équipe RH aussi bien que le top management) avons pleinement conscience.
Se préparer aux défis qui nous attendent : des doutes, mais avant tout des convictions
Au cours de notre réflexion avec les salariés, les managers, les équipes RH, nous avons identifié plusieurs points d’attention :
1/ Contrer le risque du délitement de la culture d’entreprise. Nos valeurs et notre culture d'entreprise ont toujours été nos repères, mais il est vrai que jusqu’à présent, notre culture s’appuyait sur beaucoup de rendez-vous physiques : un séminaire, une soirée d’été, nos BBQ Test hebdomadaires, des petits déjeuners d’accueil, etc. Il nous faut donc :
avoir une très bonne communication interne, pour que chacun ait accès à l’information ;
organiser davantage d’événements entre nos équipes, que ce soit des offsites d’équipe ou des soirées d’entreprise ;
repenser tous nos processus comme le BBQ Test afin qu’il soit plus efficace pour les équipes qui recrutent et pour les candidats.
2/ Bien gérer les nouveaux arrivants et les jeunes diplômés, en refondant l’onboarding. Depuis le début de l’aventure PayFit, nous faisons beaucoup d’efforts pour l’arrivée des nouveaux salariés par exemple. Or, si la moitié de l’entreprise est en télétravail, cette étape clé de l’expérience collaborateur perd de son éclat. Avec l’équipe RH, nous mettons donc au point une nouvelle version de notre onboarding, qui prendra en compte la dimension “Work from anywhere”.
3/ Bien accompagner nos managers dans ce changement : leur capacité à s’adapter et à adapter leur management à cette nouvelle organisation sera déterminante. Nous devons les responsabiliser et les accompagner dans ce changement, à travers une formation spécifique. Par exemple, un module spécifique sera organisé sur comment aider son collaborateur à être plus responsable, à travers des attentes, des objectifs clairs et des retours tout aussi limpides. C'est aussi mieux identifier la sous-performance et la gérer avec bienveillance. Nous devons aussi inclure de nouveaux outils, organiser des ateliers sur les bonnes pratiques du management à distance, etc.
Avec l’équipe RH, nous travaillons sur un nouveau parcours management pour l’adapter au “Work from anywhere”.
4/ Bien accompagner l’ensemble des employés : il ne suffit pas de promouvoir l’autodétermination des salariés pour que chacun soit autonome et responsable tout le temps. Comme pour les managers, nous devons accompagner les salariés, en tant que RH. Cela passera, par exemple, par une offre de formation plus structurée en digital et en physique. Chacun pourra alors développer ses compétences, ses soft comme ses hard skills.
Enfin, nous voulons aussi être vigilants à ce que chaque salarié s’adapte correctement à cette nouvelle organisation. Il est tout à fait possible que nous perdions des collaborateurs qui ne se reconnaîtraient pas dans ce nouveau fonctionnement. Chaque culture d’entreprise est différente et définit son niveau de flexibilité. Le nôtre est désormais très élevé, peut-être trop pour certains.
Mais nous voulons le faire correctement. Nous sommes conscients que nous ne sommes qu’au début de notre projet et nous abordons avec humilité les défis qui nous attendent. Il nous faudra être vigilant quant aux risques évoqués, corriger certaines erreurs et rectifier les recommandations choisies pour que la relation de confiance soit suffisamment forte et que la politique “Work from anywhere” soit un succès. C’est un changement passionnant pour les équipes RH autant que pour tous nos collaborateurs. Je suis très fière d’avoir participé à sa mise en place et j’ai hâte de vous en dire plus dans un prochain article.
Caroline Leroy
VP People
Mise à jour le 12.11.2020